Bois et sol II, série « Les Dolines », 2021
Sol salin, série « Les Dolines », 2023
lanit Illouz est une artiste plasticienne. À travers sa pratique de la photographie et de la vidéo, elle s’attache à interroger le fonctionnement de la mémoire et les conditions de la visibilité.
Entremêlant procédés de reproductions, recherches et expérimentations, son travail porte en lui et donne à voir les traces du temps à l’œuvre.
Ilanit Illouz réalise des œuvres au long cours. Tout commence par le récit de souvenirs qui ne sont pas les siens. Une histoire familiale faite de déplacements, d’exode, de trous de mémoire et d’évanescence des témoins. D’Oran à Marseille jusqu’à Kiryat Ata en Israël et Dimona, non loin de la mer Morte, une géographie intime et collective se dessine. Autant de territoires plus ou moins lointains, de paysages enfouis, de frontières traversées dont il s’agit pour elle d’interroger la mémoire. De là naît le désir de voir. Et c’est ainsi que ses pas la mènent à Marseille en 2015 puis sur les rives de la mer Morte à partir de 2016. Dans cette zone de frontières entre la Cisjordanie et Israël, elle découvre un paysage d’où l’eau se retire peu à peu sous l’effet de l’action humaine, devenant ainsi de plus en plus désertique, lunaire, trouble.
Comment retranscrire un lieu qui porte une histoire alors qu’il n’y a plus de traces ? Sur place, elle arpente le territoire, prend le temps d’observer, photographie et collecte des éléments naturels (roches, végétaux, ossements, sel, etc.) qui jouent ensuite un rôle essentiel dans la réalisation de ses œuvres. C’est de retour dans l’atelier qu’elles prennent véritablement forme. Là, elle regarde et choisit attentivement les images, expérimente diverses techniques et différents matériaux (papiers, encres, eau, etc.) et laisse le temps travailler. Confrontée à l’absence de traces historiques et au mutisme du paysage, elle crée ainsi ses propres vestiges.
L’exposition se concentre sur sa dernière série photographique en date, « Les Dolines », réalisée entre 2016 et 2023. Elle présente une soixantaine de tirages noir et blanc, couleur et fossilisés par le sel. L’ensemble des photographies déplie le paysage de la mer Morte : étendues minérales, surfaces cristallisées, zones de végétation résiliente, fragments de matières, travail spontané de l’eau et du sel. Érosions à la surface du sol qui menacent de s’affaisser, les dolines représentent autant la disparition annoncée de ce paysage mythique que les traces sensibles et obsédantes d’une mémoire elle aussi sur le point de s’effondrer.
Ève Lepaon,
Historienne de l’art, spécialiste de la photographie
Exposition aux Écuries – Jardin des Carmes
26 MAI /// 26 AOUT 2023
Entrée Libre, 14h-18h