INCIDENTS ET PHÉNOMÈNES – NICOLAS GIRAUD

Sand Fire, 2016

 

Nicolas Giraud crée des dispositifs critiques plus que des expositions. Une question est toujours posée à celles et ceux qui regardent : que voyez-vous ? Face à la série Phénomènes, posons la question : faut-il parler de paysages pour qualifier ces photographies prises par l’artiste en France et aux États-Unis, ou faudrait-il inventer un autre mot ? On parlera donc plutôt d’images-situations, ou encore d’images-attentes.

Au côté de ses propres clichés de grand format, l’exposition est aussi l’occasion de réfléchir aux formules auctoriales habituelles : qui signe ? Trafiquant les supports, Nicolas Giraud joue avec l’image prélevée ou l’image signée. Ainsi, Sand fire (2016) est simultanément une photographie de l’artiste et une carte postale, un objet de diffusion. C’est lors d’un grand incendie en Californie qu’elle a été capturée : on y voit un grand arbre, dans un paysage désertique, environné d’un nuage de poussière orangé. L’image dit l’instabilité du moment où tout peut basculer. Le jour suivant, tout aura disparu. C’est donc par le biais de la carte postale que l’on peut commencer à formuler l’énigme : comment une image en devient-elle précisément une ?

La photographie est un médium singulier qui a sa part de fascination, voire d’hypocrisie, une part manipulatrice fondée sur une ambiguïté fondatrice que Nicolas Giraud met en scène de manière critique, de la catégorie traditionnelle du paysage aux mécanismes de la pulsion scopique.

Léa Bismuth
Critique d’art et Commissaire d’exposition

Exposition aux Écuries – Jardin des Carmes
24 JUIN /// 17 SEPT 202

Entrée Libre, 14h-18h

DOLINES 2016-2023, ILANIT ILLOUZ

Bois et sol II, série « Les Dolines », 2021

 

 

Sol salin, série « Les Dolines », 2023

lanit Illouz est une artiste plasticienne. À travers sa pratique de la photographie et de la vidéo, elle s’attache à interroger le fonctionnement de la mémoire et les conditions de la visibilité.

Entremêlant procédés de reproductions, recherches et expérimentations, son travail porte en lui et donne à voir les traces du temps à l’œuvre.

Ilanit Illouz réalise des œuvres au long cours. Tout commence par le récit de souvenirs qui ne sont pas les siens. Une histoire familiale faite de déplacements, d’exode, de trous de mémoire et d’évanescence des témoins. D’Oran à Marseille jusqu’à Kiryat Ata en Israël et Dimona, non loin de la mer Morte, une géographie intime et collective se dessine. Autant de territoires plus ou moins lointains, de paysages enfouis, de frontières traversées dont il s’agit pour elle d’interroger la mémoire. De là naît le désir de voir. Et c’est ainsi que ses pas la mènent à Marseille en 2015 puis sur les rives de la mer Morte à partir de 2016. Dans cette zone de frontières entre la Cisjordanie et Israël, elle découvre un paysage d’où l’eau se retire peu à peu sous l’effet de l’action humaine, devenant ainsi de plus en plus désertique, lunaire, trouble.

Comment retranscrire un lieu qui porte une histoire alors qu’il n’y a plus de traces ? Sur place, elle arpente le territoire, prend le temps d’observer, photographie et collecte des éléments naturels (roches, végétaux, ossements, sel, etc.) qui jouent ensuite un rôle essentiel dans la réalisation de ses œuvres. C’est de retour dans l’atelier qu’elles prennent véritablement forme. Là, elle regarde et choisit attentivement les images, expérimente diverses techniques et différents matériaux (papiers, encres, eau, etc.) et laisse le temps travailler. Confrontée à l’absence de traces historiques et au mutisme du paysage, elle crée ainsi ses propres vestiges.

L’exposition se concentre sur sa dernière série photographique en date, « Les Dolines », réalisée entre 2016 et 2023. Elle présente une soixantaine de tirages noir et blanc, couleur et fossilisés par le sel. L’ensemble des photographies déplie le paysage de la mer Morte : étendues minérales, surfaces cristallisées, zones de végétation résiliente, fragments de matières, travail spontané de l’eau et du sel. Érosions à la surface du sol qui menacent de s’affaisser, les dolines représentent autant la disparition annoncée de ce paysage mythique que les traces sensibles et obsédantes d’une mémoire elle aussi sur le point de s’effondrer.

Ève Lepaon,
 Historienne de l’art, spécialiste de la photographie

Exposition aux Écuries – Jardin des Carmes
26 MAI /// 26 AOUT 2023

Entrée Libre, 14h-18h

Les Choses simples, photographies d’Albert Monier

Neige, rue du cloître Notre-Dame, Paris, 1953

Au début des années 1980, la ville d’Aurillac s’est engagée dans la définition et la mise en place d’une politique culturelle forte axée sur la création photographique contemporaine. Une volonté qui a permis de créer un centre d’animation photographique, dénommé La Sellerie, ainsi qu’un nouveau domaine de collection pour le musée d’art et d’archéologie. Ces démarches complémentaires, dédiées à la diffusion et à la conservation de la photographie ont débuté en 1983 avec l’organisation d’une première exposition monographique présentant l’œuvre d’Albert Monier (1915-1998), natif de la région.

La collection photographique du musée a été initiée par l’acquisition, entre 1983 et 1985, des cent-huit tirages d’exposition en parallèle de plusieurs centaines de négatifs, du matériel de prise de vue et d’ensembles importants de cartes postales éditées par le photographe lui-même dans les années cinquante. Depuis, ce fonds spécifique s’est enrichi de quelques clichés supplémentaires, de trente posters originaux reproduisant les clichés d’Albert Monier et de la caméra 8 mm personnelle du photographe. Cet ensemble a très régulièrement été présenté au public, que ce soit localement ou nationalement, par l’organisation d’expositions individuelles ou thématiques, souvent en partenariat avec l’Association Albert Monier créée en 1999 à Chanterelle (Cantal).

Quarante ans après le projet initial dédié à Albert Monier, l’exposition Les Choses simples propose de mettre en exergue le regard profondément humaniste que le photographe a posé sur ses contemporains, acteurs anonymes du quotidien. Une quarantaine d’images en noir et blanc a ainsi été sélectionnée parmi les œuvres entrées en collection en 1983. Elles retracent le cheminement d’Albert Monier depuis ses premiers clichés, datant du milieu des années trente, jusqu’au milieu des années quatre-vingt avec la présentation de vingt tirages de travail inédits récemment retrouvés dans les dossiers d’archives du musée.

Exposition au Musée d’art et d’Archéologie
2 AVRIL /// 10 SEPTEMBRE 2023 

Aux horaires et tarif du musée

Podcast Les motifs : épisode 30 – Le projet Reg’art

Les Motifs s’intéressent dans ce numéro 30 à un projet de médiation mené depuis plusieurs mois par les musées d’Aurillac. Reg’art est destiné à améliorer et optimiser l’accueil des personnes atteintes de déficience visuelle. Dans cette pastille audio, les explications des médiatrices des musées et le ressenti de Juliette Rolland, sociologue conseil à Grenoble qui intervient auprès de l’équipe des musées depuis le début du projet.